LE CORBEAU ET LE RENARD
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec
un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu
près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si
votre ramage
Se rapporte à
votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie,
Et pour montrer sa
belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
Le Corbeau honteux
et confus
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
LA CIGALE ET LA FOURMI
Cette fable est la première du
premier recueil (124 fables, divisées en 6 livres) paru en mars 1668. Ce
recueil est dédié au Dauphin, le fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse, alors
âgé de 6 ans et demi. La dédicace est en prose, suivie de la Préface au
lecteur, de la traduction libre de la "Vie d'Esope", et se termine
par un compliment en vers reprenant et résumant l'essentiel de la dédicace en
prose.
"Ainsi ces fables sont un tableau où chacun de nous se trouve
dépeint"
"Je chante les héros dont Esope est le père"....sont des extraits
célèbres de cette dédicace
La Cigale,
ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n'est pas prêteuse;
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez? j'en suis fort aise:
Et bien! dansez maintenant.
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